Des cantines autogérées pour nourrir 3500 élèves
Deux repas par jour pour les écoliers
Le professeur qui les accueille dans sa classe de 50 élèves voit la différence : « Quand il n’y avait pas de cantine à Dayer, certains enfants avaient tellement mal au ventre qu’ils se tordaient de douleur sur leur chaise. Maintenant, ils sont plus réactifs et plus concentrés. » Dans un pays où la majorité de la population vit avec moins de trois dollars par jour, disposer de deux repas équilibrés au quotidien est un bienfait pour les enfants et soulage leurs familles. En effet, « c’est un vrai plus pour la communauté, renchérit Romelus Jeansavon, conseiller au comité de gestion, maintenant les enfants viennent à l’heure pour ne pas louper le petit-déjeuner ! »
Des bénéfices pour les cantinières
Soixante-huit cantinières comme Mamoun ont déjà été formées dans 16 écoles rurales. C’est un projet participatif : l’EPER et ses deux organisations partenaires ont installé des cuisines avec un four réfractaire et fourni les ustensiles de cuisine. Avec l’aide de la communauté, les cantinières ont quant à elles contribué en construisant les fondations, en montant les portes, les fenêtres et les étagères. Mathulène Bélizé, une autre cantinière, explique comment son travail a changé sa vie : « Je peux payer l’école de mes enfants, j’ai pu acheter du matériel que je n’avais pas et un cabri. » Mathulène a aussi apprécié son échange d’une semaine aux Abricots, dans une autre cantine, pour apprendre la gestion et la confection des menus.
Les formations sur les rôles, les responsabilités et la comptabilité sont importantes. Chaque cantinière met à jour quotidiennement son cahier, en inscrivant le montant de tout ce qu’elle achète pour les repas et le nombre de repas vendus. « En se basant sur ces informations, on voit si elles ont dégagé des bénéfices ou sont, au contraire, en déficit. Et cette question est particulièrement importante car l’EPER prévoit un soutien dégressif », explique Estève Ustache, qui coordonne les activités pour le Programme de Réhabilitation Rurale (PRR), partenaire de l’EPER.
Achats auprès des producteurs locaux
Mais outre les enfants et les cantinières, la communauté profite aussi de cette initiative. Les cantinières s’approvisionnent auprès des producteurs locaux de riz, de légumes et de fruits. Ainsi, ces derniers réussissent à écouler leurs marchandises et s’évitent de longues heures de marche pour rejoindre le marché. « Cette approche intégrée est localement novatrice, explique Marie-Jeanne Hautbois, elle permet d’amplifier l’impact des projets. Nous mobilisons les communautés, leur demandons de mettre la main à la pâte, mais aussi de collaborer en bonne intelligence et d’en faire profiter d’autres pour créer un cercle vertueux. »
Un comité de gestion des cantines, composé de parents, fait le lien entre l’école, les producteurs et les cantinières. Ses cinq membres veillent à tour de rôle à la qualité des repas et à la contribution financière quotidienne des parents. Ils promeuvent aussi l’approvisionnement des cantinières auprès de producteurs de la communauté et des marchés locaux. Filias Vanel est l’un d’eux. Son riz a été récolté mais il doit encore être bouilli et pilé deux fois. Estève Ustache confirme : « C’est du travail mais nous sommes contents de promouvoir le riz pays, cultivé sur place et sans pesticide, plutôt que recourir aux surplus de riz américain qui inondent le marché haïtien. »
« Grace à mon travail de cantinière, je peux payer l’école de mes enfants et j’ai pu acheter un cabri. Et puis bien manger, c’est bon pour la santé des enfants et de toute la famille. Ça nous protège des maladies. »
Le but à terme est que les cantines soient en complète auto-gestion. Le comité de gestion constitué de parents d’élèves tente de trouver des solutions avec l’aide des agents du projet. La participation financière des parents est sollicitée, mais constitue un défi. « C’est difficile d’être dans une logique de développement pérenne dans un pays en crise. Avec l’actuel blocage du pays, les petits paysans de la Grand’Anse restent coincés avec leurs productions qu’ils ne peuvent écouler dans la capitale, s’inquiète Marie-Jeanne Hautbois. Il faudra donc encore du temps et de l’accompagnement pour que ces cantines fonctionnent d’elles-mêmes, mais c’est le but de toute cette démarche, en plus de nourrir 3500 élèves par jour ! »
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