Un des plus grand camp de réfugiés du monde
Bidibidi, Ouganda
Les victimes de la guerre au Soudan du Sud ont tout perdu.
Monika Luba et neuf autres membres de sa famille ont fui les combats au Soudan du Sud en octobre 2016. Ils ont mis deux semaines pour rejoindre la frontière ougandaise et ont dû attendre 15 jours supplémentaires pour pouvoir être enregistrés et acceptés comme réfugiés par l’Office du premier ministre ougandais et le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR). « C’était les plus longues semaines de ma vie, témoigne Monika. Je craignais qu’on nous refoule, j’avais peur pour notre avenir et je ne pouvais oublier ce qu’on nous avait fait subir au Soudan du Sud. » La famille est arrivée épuisée au camp ougandais de Bidibidi.
Exode massif pour fuir les violences
Avec la reprise de la guerre civile au Soudan du Sud en juillet 2016, les massacres, les viols et les ravages de la famine ont repris. Pas étonnant qu’on assiste à un exode massif des Sud Soudanais. Environs un million d’entre eux ont trouvé refuge en Ouganda, 372 000 ont fui en Ethiopie, 131 000 au Kenya, 800 000 au Soudan et 56 000 au Congo. Près de deux millions se sont déplacés à l’intérieur du pays. Et même si le Soudan du Sud ne remplit plus les critères d’extrême urgence, les gens continuent d’affluer. Des centaines de réfugiés passent encore la frontière chaque jour selon les zones de guerre.
Ouganda : De l'eau et des latrines dans le plus grand camp du monde
L’EPER est présente dans le camp ougandais de Bidibidi. C’est un des plus grand du monde et il atteint les limites de ses capacités: 272 000 personnes sur 250 kilomètres carrés de terres semi-arides éloignées de tout !
« Nos premiers jours dans le village 7 de la zone 4 étaient extrêmement démoralisants. Il n’y a pas eu d’eau pendant une semaine et il n’y avait pas de toilettes. C’était normal d’aller faire ses besoins dans la nature. Tout était tellement sale et rustique que l’on a tous attrapé la diarrhée et la malaria », poursuit Monika.
ACORD, l’organisation partenaire de l’EPER, a commencé à travailler sur les conditions d'hygiène et l’accès à l’eau en mai 2017 dans des villages de deux zones de ce camp et la phase actuelle du projet profite à près de 32 000 personnes, réfugiés et locaux confondus.
L'usage des latrines n'est pas leur priorité
Le projet a pour but de construire des latrines publiques pour les centres de santé et les écoles et propose le matériel nécessaire aux familles motivées de construire leurs latrines. Plusieurs dizaine de familles ont déjà construit leurs propres toilettes. Cette démarche ne va pas de soi car la plupart des réfugiés n’ont plus l’habitude d’utiliser des sanitaires. ACORD a déjà formé des dizaine de promotrices et promoteurs qui sensibilisent les résidents à l’importance d’utiliser des toilettes pour ne pas développer des maladies. Monika est l’une d’eux. Ce sont des jeunes qui savent lire et écrire qui ont été sélectionnés et formés aux approches universelles de promotion de l’hygiène. Ils apprennent aux enfants entre 5 et 12 ans – l’âge où les pratiques en matière d’hygiène s’acquièrent – les principes de base sachant qu’il est beaucoup plus facile de faire changer les habitudes des enfants que celles des adultes.
Dans certains endroits, la nappe phréatique est profonde de 200 mètres.
ACORD a aussi prévu de forer plusieurs trous pour accéder à de l’eau potable. Il s’agit parfois de petits forages de 50 à 60 mètres: une pompe à main suffit à récolter l’eau. Quand l’eau n’est accessible qu’en profondeur, des forages sont réalisés par de grosses machines qui creusent à 150-200 mètres. « C’est une opération très coûteuse. Et si par mal chance l’eau est salée, il faut trouver un autre endroit. », témoigne Valentin Prélaz. Quand les trous sont profonds, ACORD installe un système solaire pour pomper l’eau. Des réservoirs en hauteur et un réseau de conduites permettent ensuite d’acheminer l’eau au village où elle est disponible depuis une borne à robinets.
Les résidents du camp utilisent la pompe à main pour puiser l'eau d'un nouveau puits.
Les résidents du camp utilisent la pompe à main pour puiser l'eau d'un nouveau puits.
Dédommagement pour les locaux
L’EPER tient aussi compte de la population locale dans son approche. Toutes les infrastructures ou aides amenées bénéficient à 70% pour les réfugiés et à 30% pour la communauté, « un quota qui est devenu une règle dans les opérations humanitaires, précise Valentin Prélaz, chargé de programmes à l’EPER. Les réfugiés coupent des arbres, prennent de l’eau, et perturbent l’équilibre des résidents ougandais. En leur permettant aussi d’accéder aux infrastructures que nous mettons en place, c’est une forme de dédommagement pour éviter les conflits. »
« Un puits est bien plus importante pour ma famille que ce bout de champ, tant que je reçois de l’eau ! »
Mohammed habite avec sa famille depuis des générations dans le village de Kui, du nom de la rivière qui passe non loin et dont la seule source d’eau potable sûre est située à 5 km du village. C’est dans ce village de 445 habitants qu’ACORD a choisi de forer un puit en compensation des dommages subis dans la région par l’arrivée massive des réfugiés. « Quand les ingénieurs sont arrivés pour nous en informer, c’était comme un rêve qui devenait réalité, relate Mohammed. Nous avons créé un comité de gestion de l’eau qui a aidé à identifier le meilleur endroit pour forer le trou et c’était dans mon champ de maïs. Ça m’est égal, car la valeur d’un puits est bien plus importante pour ma famille que ce bout de champ, tant que je reçois de l’eau ! » Les autres villageois étaient aussi très excités par la perspective du puits car depuis que des réfugiés font leurs besoins aux abords de la rivière Kui et y font boire leurs animaux, les villageois souffrent de diarrhée. Plus de 300 personnes pourront désormais bénéficier d’eau potable à demeure. Le comité est formé pour pouvoir maintenir la pompe à eau et une sensibilisation aux bonnes pratiques en matière d’hygiène est aussi prévue.
Dernière actualisation: juillet 2021
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