Les seniors migrants surfent
sur les ondes


Une radio : c’est le nouveau projet initié en début d’année par Age et Migration. De la créativité et un pied de nez au coronavirus, même si celui-ci n’aura pas facilité les choses, jusqu’au bout. Rencontre avec Elma, la responsable du programme transformée pour l’occasion en productrice en cheffe.

En période de pandémie, les ondes se révèlent être un moyen efficace pour transmettre de l’information à un large public, surtout quand il s’agit de personnes de 55 ans et plus qui maîtrisent parfois mal l’informatique. Une formule toute trouvée pour le public du projet Age et Migration, présent sur les cantons de Vaud et Genève.

Joana Da Silva

Joana Da Silva

Gordana Pape

Gordana Pape

Les ondes, au-delà de la fracture numérique

« L’idée est née d’une séance de réflexion organisée par l’équipe du programme, nous raconte Elma Hadzikadunic, la responsable d’Age et Migration. La problématique mise sur la table était alors simple : il fallait trouver une alternative aux séances d’information organisées d’ordinaire en présentiel et qui peuvent réunir une dizaine de personnes comme trois cents ! ». D’habitude, les séances sont organisées dans les lieux de vie des communautés ciblées, dans des mosquées ou des églises. Mais avec les mesures liées à la pandémie, ceci n’était plus possible. Lors du semi-confinement de 2020, l’équipe a pris le téléphone et contacté individuellement les bénéficiaires via WhatsApp et Viber. Mais « cette façon de faire est rapidement devenue épuisante, concède Elma. Surtout, nous manquions notre objectif d’informer le plus de monde possible sur nos thématiques, liées à la santé et à la sécurité sociale ». Si l’équipe du programme a bien essayé de transposer les séances d’information grand public sur les plateformes en ligne comme Zoom, le résultat n’était pas au rendez-vous. « Nous avons expérimenté de très près la fracture numérique. Certaines personnes ne connaissaient pas ces applications ou n’arrivaient pas à créer de compte. D’autres n’avaient tout simplement pas d’ordinateur ». Ces séances devaient dès lors prendre une forme innovante. Elles prirent celle des ondes.

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Elma Hadzikadunic

Elma Hadzikadunic

Valdet Ballabani

Valdet Ballabani

Créativité et agilité radiophoniques

« Une collègue, Joana, a alors spontanément proposé de faire des émissions radio », raconte Elma. Si tout le monde n’était pas convaincu de prime abord, l’équipe était décidée de tenter l’expérience. « Grâce aux ondes, on pouvait atteindre un large public de façon simple et efficace. On transmettrait un lien aux bénéficiaires, qui n’auraient qu’à cliquer dessus ». Comme Elma le souligne, en cette période, il faut de toute façon « savoir innover, oser et être créatif ». Grâce à un financement de la Chaîne du Bonheur, l’aventure pouvait donc commencer.

L’équipe « s’est tellement prise au jeu » que le projet a pris de l’ampleur. Ce pilote de quatre mois, de janvier à avril, devrait aboutir, au moment où nous écrivons ses lignes, à la diffusion de huit ou neuf émissions en quatre langues (albanais, portugais, bosnien/croate/serbe et français).

Du professionnalisme jusqu’aux jingles

Ce projet a été mûri et orchestré avec la ferme volonté d’offrir des émissions radio professionnelles, comme Elma le souligne à plusieurs reprises. Les émissions sont destinées au public cible du projet, soit les communautés albanophones, lusophones, ainsi que pour les personnes parlant le bosnien, croate, serbe et macédonien. Elma a toutefois souhaité ouvrir un peu le champ et une émission se déroule en français « pour toucher, qui sait, d’autres communautés ».

Le concept des émissions entend deux animateurs – choisis parmi les collaboratrices et collaborateurs d’Age et Migration - et un invité pouvant apporter un œil d’expert sur les thématiques abordées. Gordana et Elma forment le duo bosnien-croate-serbe, Joana et Lidia le portugais et Luljeta et Valdet l’albanais. Du côté des thématiques, « ce sont celles que traite d’ordinaire le programme, avec, bien sûr, une perspective « coronavirus », détaille Elma. Une émission est consacrée à la question de la « Convention sur la sécurité sociale entre la Suisse et le Kosovo : quel impact pour les retraités ? » et une autre à la préparation nécessaire avant un retour définitif au pays à la retraite. La santé mentale et le droit au travail en temps de pandémie sont aussi des sujets traités et une interview revient sur le parcours migratoire d’un requérant kosovar, aujourd’hui à la retraite.

« Pour les jingles, on a fait appel à un musicien, se réjouit Elma. Du côté de la technique, c’est chez un ingénieur du son professionnel que tout s’enregistre et se monte. Une certaine pression peut-être ? « C’est qu’on ne s’improvise pas animateur radio, déclare en riant Elma. C’est pourquoi une formation d’une journée avec une journaliste-animatrice radio a été organisée en janvier, au début du projet, pour nous donner les clés et les astuces du métier. 

 Luljeta Hajzeraj 

 Luljeta Hajzeraj 

Lidia Saraiva

Lidia Saraiva

« Ce projet a été mûri et orchestré avec la ferme volonté d’offrir des émissions radio professionnelles. » Elma Hadzikadunic

Être tenace

Alors qu’Age et Migration a décidé mettre en place cette radio pour contourner les interdits imposés par le covid, voilà que le virus a contre-attaqué. En premier lieu, « c’est l’ingénieur du son qui a été contaminé par le covid, relate Elma, puis certains intervenants ont dû annuler leur participation, car ils avaient eux aussi contracté le virus ou avaient été mis en quarantaine, poursuit-elle sur un ton délicatement ironique ». Pour ces émissions, l’équipe voulait aussi travailler avec le Consulat du Portugal, « qui ne participe finalement pas en raison de la surcharge de travail ». Topo : « nous avons dû nous réorganiser, réajuster le contenu et l’angle de certaines émissions et en replanifier certaines. Le virus ne nous aura pas épargnés, jusqu’au bout ! », s’exclame en souriant Elma. Mais la flexibilité et l’agilité paie ; au final, c’est toute l’équipe et les intervenants des émissions radio qui auront le dernier mot, transmis sur un canal intouchable par la Covid : les ondes.

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Et la suite ?

A la fin du projet pilote, l’équipe a prévu d’évaluer l’expérience et décidera de la suite à y donner. L’avis du public cible sera important, tout comme l’objectif visé par cette mesure. « Il est évident que ces émissions radio ne remplaceront jamais les contacts directs, en face à face, explicite Elma. Par contre, ce peut être un bon moyen de faire passer des informations de façon ludique et divertissante et aussi, pourquoi pas, de transmettre une information sensible. Beaucoup de sujets tabous, comme la violence domestique ou l’alcoolisme, peuvent difficilement être abordés directement en face. Les ondes permettent de transmettre des messages de manière anonyme. » La suite s’écrira d’elle-même.

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En attendant, les émissions sont accessibles en podcasts sur le site internet d’Age et Migration.